à son intervention, à suivre la révision de l'OTTER avec
lui. Il logera chez moi la semaine et nous nous rendons ensemble
quotidiennement à GOSSELIES. Je suis pressenti pour être sa doublure car il
est désigné pour participer à la campagne d'été 1970 en ANTARCTIQUE en coopération
avec une expédition SUD AFRICAINE qui a une Base permanente en ANTARCTIQUE
(SANAÉ –South African National Antarctic Expédition). Les Belges n'ayant plus
de Base sur ce DERNIER CONTINENT, ils contribuent néanmoins par leur présence
en s'associant à d'autres. Pendant une quinzaine, chaque soir, ce sera, à part
les détails de la révision de l'OTTER, l'initiation à la vie au POLE SUD. Henry
n'est pas certain d'accomplir cette mission. Ses supérieurs n'apprécient guère
son absence indéterminée pour la bonne raison qu'Henry doit s'investir à la
F.N. dans le programme MIRAGE et particulièrement du réacteur ATAR équipant le
chasseur bombardier. Je récolte le plus de renseignements possibles auprès de
mon ami. Son expérience dans cette zone glaciaire est précieuse. J'ai encore en
mémoire une situation critique qu'il a vécue lors de la première expédition
1957-58. L'avion AUSTER dont il avait la charge, au cours d'une mission de
photogrammétrie, lors du décollage, a heurté violemment un SASTRUGI et l'un des
skis du train d'atterrissage s'est brisé. Les SASTRUGIS, petites vagues de
neige durcies par le vent, sont depuis toujours la hantise des pilotes. Henry,
à bord d'un MUSKEG (tracteur des neiges) s'est mis en route pour aller le
dépanner. Il se trouve à un moment dans une vaste zone de crevasses. Son
tracteur franchit une crevasse recouverte d'un pan de glace mais son traîneau
remorqué a ébranlé le pont et basculé dans le vide et reste attaché au tracteur
par un câble d'acter. Le MUSKEG est en équilibre sur le bord de la crevasse et
risque d'être emporté à son tour dans le gouffre par le poids du traîneau. Le
moindre mouvement d'Henry peut être fatal et l'emporter dans l'abîme. Devant
cette situation périlleuse, mon ami reste calme, allume une cigarette et
examine sans précipitation la situation. Il va, à l'aide d'un pied, pousser une
clé, une batterie vers l'avant, afin de stabiliser le tracteur petit à petit,
les chenilles ont repris un contact franc avec la banquise. A l'aide d'une cisaille,
Henry coupera le câble le reliant au traîneau qui ira se perdre au fond de la
crevasse. Afin d'évaluer la profondeur de celle-ci, il tâchera une batterie et
n'entendra pas le bruit d'impact. Il se trouve au bord d'une crevasse de plus
de 400 mètres de profondeur !
Le récit de cette aventure m'a tellement marqué, soulignant
la préparation minutieusement réfléchie d'un raid. Le chargement réparti, ce
qui est essentiel sur le tracteur, le sac de couchage, la nourriture pour survivre
quelques jours, à portée de la main, la cisaille pour se libérer du traîneau,
la radio, fusée de détresse, réchaud, et ceci réparti de telle manière que le
centre de gravité du tracteur ne soit pas trop modifié. Planter sa tente sans
avoir pris la direction du vent peut avoir des conséquences fâcheuses : le sas
d'entrée peut être bloqué par un congère interdisant toute sortie. Tous ces
petits réflexes spécifiques à ce rude climat me seront transmis. Les mouvements
sont plus calculés et de ce fait plus lents. La simple opération de présenter
un écrou sur sa tige filetée est étudiée. Muni de trois paires de gants, il
faut d'abord préparer l'écrou, enlever les deux premières paires de gants ne
conservant que la dernière (des gants en tissu léger), et rapidement engager
l'écrou au risque de le conserver " COLLÉ " à votre gant ou à votre
peau, et si l'essai est infructueux, recommencer l'opération sans risquer de
perdre l'écrou qui disparaîtra rapidement dans la glace par la différence de
température.
A moins 30°C, le corps humain peut étonnamment s'adapter,
réclamant 5.500 calories par jour au lieu de 3.000 dans nos pays tempérés,
comme un poêle qui brûle bien. Le simple fait d'ouvrir une boîte de conserve si
on n'a pas pris la précaution de dégeler le couvercle sur le réchaud, peut
briser l'ouvre-boîtes ! Le grand tourment des explorateurs est la SOIF, la
glace est douce mais il faut la fondre. La CÉCITÉ des neiges est une affection
angoissante et cruelle. Henry, avec calme, me met dans l'ambiance où je devrai
vivre car maintenant c'est décidé : c'est moi qui partirai. Je m'applique à
suivre la révision de l'OTTER. Je dois connaître cet avion à fond. Sélectionner
les pièces de rechange en cas de panne et limiter ce choix à ce que je pourrai
emporter en raid ! (FAK-Fling Away Kit).
Le moteur révisé en ANGLETERRE prend du retard à être
livré. H me restera finalement quelques jours pour le voir installé sur la
cellule. Heureusement, je connais ce moteur PRATT & WITHNEY R. 1340 qui
équipait les HARVARD. Je suis ravi de contrôler, moteurs tournants, tous les
fonctionnements. Le travail d'équipe des techniciens de la SABCA est à
souligner pour leur compétence et leur haute conscience professionnelle. Je
reçois l'équipement polaire de W.KOTHER complété par des sous-vêtements
spéciaux. Je suis étonné que le tissage des SINGLETS soit à larges mailles ;
l'explication en est simple : cela permet à la transpiration de ne pas coller
au corps et de geler ! Il en est de même pour les bottes en