la
BARZA (terrasse) d'une des maisons, explosa sous la décharge électrique, les
interrupteurs furent arrachés. L'éclair avait également crevé la nuée qui se
vida " comme vache qui pisse ". J'eus juste le temps de me réfugier
sur la BARZA, parmi les débris électriques jonchant le sol, dans une odeur de
caoutchouc brûlé, attendant une accalmie avant de me rendre à l'économat
provisoire. Nous appelons cette longue paillote, " LA SALLE MORSE "
(nom du constructeur). Cette construction en TORCHIS servait de magasin où
l'on vendait des articles de première nécessité. Cette salle servait d'abri
pour le marché où les Africains venaient vendre régimes de bananes, papayes,
mangues, ananas, tomates. Elle servait aussi de salle de fêtes, de chapelle. La
messe du dimanche y était célébrée par un vieux missionnaire FRANCISCAIN, le
PERE FORTUNÉ, habitant à SUMGU, sa paroisse, située à une vingtaine de
kilomètres de la base sur la route menant à BUKAMA. Ce prêtre portait mal son
nom car FORTUNÉ il ne l'était certainement pas. Pauvre, il se déplaçait dans
un vieux PICK-UP, véhicule utilitaire léger comportant un plateau non
recouvert avec ridelles servant pour sa paroisse, d'ambulance, de taxi, mais
aussi d'AUTEL en brousse. Il y installait sa malle-chapelle. Personnage barbu,
rustique, typique du pionnier missionnaire, le visage buriné, connaissant
plusieurs dialectes BAN-TOUS, assimilé aux coutumes africaines, craint,
respecté, mais aussi aimé par ses ouailles. L'office religieux était annoncé
par la sonnerie d'une section de cylindre métallique suspendue à une potence et
frappé à l'intérieur par l'agitation d'un battant. L'homélie était en grande
partie exprimée longuement en KISWAHILI.
Près
de la poste où chaque résident a sa boîte postale numérotée et fermée par un
cadenas, débute la construction d'un monument en prévision de la visite royale
de notre ROI BAUDOUIN pour perpétuer l'événement. Les parades et défilés se
succèdent. Il faut que tout soit impeccable pour la visite du SOUVERAIN. Nous
habitons sur un plateau de savane peu arboré. Chaque résident est encouragé à
planter sur sa parcelle des essences vivaces que la ferme se situant dans une
vallée, nous fournit. Un concours de la plus belle parcelle est organisé. Des
palmiers adultes sont transplantés à l'aide de grues. Chaque habitation a son
parterre de CANA (BALISIER). Des fûts de carburant vides sont découpés,
peints et fleuris, garnissant les " BARZAS ". Comme nous avons déjà
l'habitude à l'Ecole Technique, chaque matin, c'est la parade de la levée du
drapeau. Il nous sera réservé d'être sollicités fréquemment pour différentes
manifestations telles que reconnaissance d'officiers, remise de décorations,
et lors de visite de délégations de parlementaires, que nous appelons avec
humour " les pèlerins de la saison sèche ".
Une
grande parade est organisée à KAMINA-VILLE où je défilerai en tête d'un peloton
d'élèves devant une tribune d'officiels : Gouverneur de Province, Commissaire
de District, Administrateurs Territoriaux (A.T.) ou BULA MATARI (autorités
religieuses). Entre instructeurs, nous émettons qu'une décoration pour
participation aux parades pourrait être envisagée ! Mes élèves sont friands de
ces cérémonies. Ils ont reçu de nouveaux uniformes, une musique est créée, dirigée
par un Européen à fière allure. Nos parlementaires sont intéressés par une
base de repli éventuel du gouvernement en cas de conflit européen. Cet endroit
tenu secret ne doit pas se situer très loin de la base, nous l'appelons "
FROUSSE VILLE ". Lors des visites de ces commissions, les places des
participants dans l'avion sont bien identifiées suivant leur appartenance
politique confirmée par le dépôt sur le siège, de la presse de leur bord. Des
petits malins s'évertuent, lors de l’inspection de l'appareil, à changer les
journaux de place, ce qui, quand les occupants constatent l'astuce, réagissent
par un comportement puéril !
C'est
le dimanche 15 mai 1955 que le départ du ROI a lieu. Sur l'aire d'embarquement,
douze détachements de la Force Aérienne sont rangés à côté de leur corps de
musique, et rendent les honneurs. La Famille Royale s'avance vers l'avion et
monte à bord. Tous les membres de la suite sont montés eux aussi. Nous suivons,
à la radio, le reportage. Les membres de la Famille Royale sont descendus et
attendent le départ. Un à un, les quatre moteurs se mettent à ronfler. L'avion
battant pavillon " amarante aux armes du SOUVERAIN " vire lentement
sur place, puis doucement s'éloigne aux accents de la BRABANÇONNE vers les
limites de l'aérodrome. Il est à ce moment 17h05. Douze METEOR, soudain,
traversent le ciel ; ils escorteront l'avion royal jusqu'aux frontières du
pays. Lundi 16 mai, peu avant dix heures, l'avion attendu apparaît soudain dans
le ciel, s'oriente doucement vers la piste de béton après avoir survolé
quelques instants, les grandes boucles sinueuses du fleuve CONGO.
L'appareil se pose tout à l'extrémité de la
piste, la passerelle est avancée, la porte de l'avion s'ouvre. Le Gouverneur
Général PETILLON vient accueillir le ROI, Une immense acclamation le salue. Le
jeune souverain porte un uniforme blanc et les insignes de LIEUTENANT-GENERAL.
La voiture dans laquelle il monte avec le Gouverneur est cernée de
photographes et de journalistes. Une foule énorme a envahi les avenues de
LEOPOLDVILLE et l'on voit, dans les manguiers et dans les frangi-paniers, des
centaines d'indigènes, installés là pour ne rien perdre du spectacle, les
larmes aux yeux, criant VIVE BAUDOUIN. C'est dans un sourire que l'on ne lui
connaissait pas en Belgique qu'il répond aux vivats des Congolais et des Européens.
Il a conquis les cœurs, il s'appellera maintenant affectueusement " BWANA
KITOKO " (Le petit Roi). Après LEOPOLDVILLE, le voyage conduira le Roi à
MATADI, BOMA, BANANE, COQUILHATVILLE, LULUABOURG.
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