de poussière rouge s'élève au loin. On ne se parle pas entre nous, chacun contient son émotion. L'ap­pareil vient se ranger sur l'aire prévue ; arrêt des moteurs. Par la fenêtre du COCKPIT, un sachet en toile contenant les sécurités du train d'atterris­sage est descendu ; un préposé se chargera de les placer. On aperçoit par les hublots des passa­gers à l'intérieur mais on ne peut les reconnaître. Enfin, la porte s'ouvre et l'échelle mobile est ame­née. Un membre de l'équipage descend avec une quille destinée à soutenir l'arrière du fuselage pen­dant le débarquement des passagers. Pendant ce temps, rien ne bouge à l'intérieur ; cela semble long. Enfin, voici des enfants qui se présentent à la porte et descendent l'escalier ; les plus grands ont déjà reconnu leur papa.

 

        J'essaye d'identifier mon fils aîné de deux ans mais je ne le reconnais pas. Je vois bien un enfant aux grands cheveux bouclés que j'ai pris d'abord pour une fille : c'est mon fils ! Comme il a changé sur trois mois. Les mamans sans bébé les ont rejoints. Je ne vois toujours pas mon épouse. Mon cœur se serre, serait-elle restée à LEOPOLDVILLE ? Une infirmière de l'armée se présente enfin à la porte, tenant un bébé dans ses bras, c'est mon second fils suivi de mon épouse portant le couffin. Elle me cherche des yeux parmi la foule mais ne semble pas me reconnaître sous mon chapeau de toile.

 

J'ai mon cœur qui exprime toute mon émo­tion. Qu'elle est jolie mon épouse, elle s'est fait une permanente avant son départ. Je ne vois plus qu'elle ; maintenant, elle m'a vu lui adressant des grands signes. Nous ne nous quittons plus des yeux, essayant de contenir nos émotions, et tom­bons dans les bras l'un de l'autre, dans une lon­gue et fervente étreinte. C'est notre fils aîné qui nous rappelle à la réalité en tirant discrètement sur la jupe de sa maman. L'infirmière est restée un peu à l'écart tenant notre bébé et respectant nos retrouvailles. Le bus n'attend plus que nous pour nous ramener à la cité.

 

J'ai hâte d'être chez nous à LUMWÉ. Mon épouse est ébahie devant la table mise et le dîner prêt. Elle ne peut contenir son émotion et là, à l'abri des regards indiscrets, nous nous étreignons longuement, donnant libre cours à nos sentiments. Les quatre petites pièces constituant notre habi­tat sont découvertes. Notre dîner servi accompa­gné du disque choisi, c'est le bonheur d'une fa­mille réunie. C'est trop de bonheur, nous sommes un peu gauches à le gérer ne pouvant exprimer nos pulsions, empreintes de respect. Nos deux petits garçons sont mis au lit pour la sieste. Ils sont éveillés depuis cinq heures du matin et ap­précient leur couchette. Je laisse au lecteur le soin d'imaginer la sieste des parents. Maintenant va commencer notre vie sous les tropiques.

 

Après quelques jours, les beaux cheveux bouclés de notre aîné seront coupés car la trans­piration  lui crée de la BOURBOUILLE (genre d'ec­zéma) dans la nuque. Disposant du matériel de coiffeur, c'est moi qui lui couperai ses belles bou­cles blondes. Il ressemble maintenant vraiment à un garçon, le crâne rasé comme un petit bagnard. Il se frottera pendant quelques jours son petit crâne, s'assurant ainsi que ses cheveux ont dis­paru. J'initie mon épouse à l'usage du réchaud à pétrole qu'il faut mettre sous pression à l'aide d'une pompe et préchauffer avec de l'alcool à brûler ; du frigo à pétrole qu'il faut alimenter régulière­ment ; du fer à repasser au charbon de bois.

 

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