Ce n'est pas par ambition que je forme mes élèves mais je ne peux m'empêcher de me remé­morer leur arrivée à l'école, porteurs de leur petite ration de BUKARI (pâte de manioc cuite) et ce qu'ils ont dû consentir pour arriver à cette sélec­tion. C'est pour moi une tâche exaltante d'homme. Je suis arrivé à KAMINA-BASE depuis plus d'un mois quand une petite maisonnette de la cité indi­gène m'a été attribuée. Toutes ces maisons sont du même type, quatre pièces et deux petites BARZA (terrasses), une annexe, la cuisine (PISHI) et W.C. douche. En saison des pluies, il sera né­cessaire de se vêtir, à chaque navette entre la cuisine et la maison, d'un imperméable, et chaus­ser des bottes. Il est possible de cuisiner sur la petite terrasse à l'aide d'un réchaud à pétrole mais la terrasse n'étant pas fermée, il y a l'inconvénient d'être exposé à la pluie et au vent. Comme je suis en charge de la menuiserie, je récupère les chu­tes de bois et panneaux de triplex qui, avec un peu d'imagination, me permettront de fermer la baie de la terrasse et ainsi disposer d'une cuisine attenante à la maison. Je réalise cette cloison avec une bonne aération, protégée par des moustiquai­res. Je suis satisfait du résultat et j'ai, de ce fait, une pièce supplémentaire.

 

Il y a maintenant deux mois de passés. Je viens de recevoir l'enveloppe contenant le double de clés des cadenas de nos malles annonçant de la sorte, que nos bagages sont à LOBITO (Port de l'ANGOLA), venant d'Anvers, et que, dans une quinzaine de jours, je les réceptionnerai. Je suis heureux, je pourrai maintenant, après le travail et éclairé d'une lampe à pétrole, préparer notre petit nid. Je peux maintenant acheter un frigo à pétrole, un réchaud, un fer à repasser au charbon de bois, deux bassines pour laver le linge. Je veux que tout soit en ordre pour l'arrivée de ma famille. J'appré­hende l'arrivée de nos bagages car le décharge­ment portuaire à LOBITO se fait à l'aide de filets, les malles ne pouvant dépasser 30 kilos sont dé­posées parfois un peu brutalement sur le quai. Un camion me les amène et, au vu de l'état extérieur, je m'attends à de la casse. Nous avons pris grand soin au départ de bien emballer la vaisselle et nous n'aurons qu'une assiette de cassée. Tous n'ont pas notre chance !

 

Le linge est déballé et rangé dans les ar­moires. Les lits sont prêts. C'est très sobre mais il y a déjà une chaleur d'accueil perceptible. J'ai pu fabriquer un tourne-disque. Il y aura une douce musique au premier repas ! Je n'oublierai jamais l'air de ce disque et cinquante ans après, il me rappelle encore avec émotion tant de souvenirs heureux.

 

Juste trois mois après notre séparation, mes chéris sont annoncés pour cette semaine. Ils seront ce soir à LEOPOLDVILLE et demain, vers midi, nous serons réunis. Tout est fin prêt : le lait NIDO en poudre pour les enfants, le frigo est rem­pli, macédoine de fruits composée de mangues, bananes, ananas et papaye. J'ai pu acheter un petit sac de pommes de terre, un beau rôti de bœuf, des haricots en boîte. La table est dressée avec soin. Je préfère accueillir ma famille chez nous pour le premier repas au lieu d'aller au MESS. J'ai engagé un petit boy (MOKÉ) qui fera la vais­selle. Devant mon enthousiasme, il a été cueillir quelques petites branches de bougainvillée de notre parcelle. Je ne peux trouver le sommeil et j'attends le lever du jour en essayant de rester calme. J'ai fabriqué une table à langer pour les petits à une hauteur étudiée pour éviter la fatigue du dos des parents.

 

Je pense que je suis fébrile dans l'attente des dernières heures. Je guette le bruit des mo­teurs du DC4.11 heures 10, le quadrimoteur sur­vole à basse altitude la cité. Je ne l'ai pas vu venir et déjà, il disparaît au loin. Nous sommes huit cé­libataires forcés à attendre près de l' AUVENT où l'avion va se parquer. Nous apercevons enfin la longue approche de l'appareil, il doit être mainte­nant sur la piste en terre battue car un gros nuage


 

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