Nos sorties autorisées de (TTS – Technical Training School) ne nous permette pas d'aller bien loin. La chaussée reliant St TROND à OREYE passe devant notre établisse­ment distant d'environ cinq kilomètres du centre de la ville de St TROND. Cette chaussée est jalon­née d'estaminets aux lu­mières tamisées et signa­lés par des enseignes lumineuses provocantes. Nous l'appelons la chaussée de l'amour. La gent féminine y est abondante et peu farouche ; on y danse et les consommations sont à un prix démo­cratique. L'accueil y est des plus chaleureux mais finalement assez peu fréquenté par les élèves de l'école, tenus par une heure de rentrée stricte et contrôlée. Les permanents et instructeurs n'étant pas astreints au même règlement seront souvent marqués le lendemain de veille par les conséquen­ces de libations et autres joyeusetés nocturnes. A signaler qu'un de nos instructeurs anglais, FLING LIEUTENANT (grade correspondant à CAPITAINE chez les Belges), homme de belle stature, roux, et portant fièrement une moustache impeccable­ment entretenue, sera marqué plus outrageuse­ment le lendemain d'une virée bien arrosée. MOUSTACHE, c'est le nom que nous lui avions attribué, se présentera à son pupitre l'œil hagard, la lippe pendante, heureusement valorisée par la superbe moustache ! ! Les conséquences de ces stigmates faciales sont dues à un niveau de liba­tions dépassées entraînant chez notre instructeur une consommation effrénée de disques phonogra­phiques avec les conséquences que l'on devine au point de vue digestif. Parmi nos instructeurs belges, nous avons aussi notre phénomène, un FLING SERGEANT (Sergent Major chez les Bel­ges), AIR GUNNER (mitrailleur de bord sur bom­bardier lourd) totalisant 2 tours d'opération, c'est-à-dire plus de 200 raids aériens sur l'Allemagne, détenteur de hautes distinctions anglaises pour son courage. Quand l'occasion se présente, un CHALLENGE s'organise entre l'Anglais mangeur de disques et le Belge mangeur de verres à bière. Le cercle les entourant s'agrandit, le tenancier a eu soin de faire disparaître ce qu'il pouvait comme disques ce qui a pour conséquence l'arrêt de l'ani­mation musicale remplacée par la compétition de nos consommateurs de disques et de verres. Sou­tenus et encouragés par deux clans qui se sont formés, les chansons d'escadrilles à faire rougir les murs d'un corps de garde, sont entonnées à gorges déployées. Les danseuses se sont réfu­giées dans un coin de la salle .. oubliées ! ! Pour le moment, certains supporters ayant les cheveux un peu trop près du bonnet, et voulant affirmer


aux Anglais que de tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves, confirment avec leurs poings et cela dérive en une mêlée indes­criptible. Le cafetier, retranché derrière son comp­toir, estimant sans doute que momentanément le profit est supérieur à la perte, contacte par télé­phone la police militaire qui débarque au milieu de la mêlée, distribuant au passage quelques coups de matraque. Tout se calme. Le tenancier responsable de l'appel à la police militaire réglera à l'amiable le conflit avec le chef des  M.P. sachant qu'une plainte de sa part risque de fermer son éta­blissement à toute clientèle militaire. Plusieurs cafés seront d'ailleurs " OUT OF BON " (interdits) mais pour d'autres raisons. Les usagers fréquen­tant ces maisons interdites se présenteront assez rapidement à l'infirmerie de l'école, confirmant leur passage en ces endroits interdits, révélés dans de cuisantes mictions urinaires et seront confron­tés aux rafales de piqûres de pénicilline adminis­trées sans ménagement par les infirmiers avides de piques. Nous les appelons " LES PICA­DORS " ! ! Ces confrontations entre escadrilles entretiennent le " SPIRIT " (esprit de corps) et sou­dent des amitiés. Les lendemains sont tellement chaleureux et fraternels, exprimés par de grandes claques dans le dos en se jurant que nous som­mes de véritables frères à côté des autres armes ! !

A l'issue de mes cours, je serai " POSTÉ ", c'est-à-dire affecté en Allemagne occupée, dans la zone anglaise. Ce sera par le train (TPJ -Train Permissionnaire Journalier) qui fait la navette en­tre CALAIS et HAMBOURG que je rejoindrai ma nouvelle affectation. Ce trajet vers HANOVRE-CELLES nous fera découvrir les ruines dues aux bombardements alliés et l'expression " en mon­tant sur une table, vous aurez tout visité ", s'adres­sera particulièrement à COLOGNE, HANOVRE, HAMBOURG et pratiquement toutes les gares. Toutes les ruines se ressemblent. Des soupiraux émergent des tuyaux de poêle signalant par la fumée que les caves sont occupées en dessous des ruines.

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