Nous voilà installés à MARCINELLE, 6, Grand-Place - Monsieur et Madame R.DUBRAY-GIAUX. Mon frère habite le n°7 et comme deux frères ont marié deux soeurs, c'est aussi R.DUBRAY-GIAUX. Ceci représente un dilemme pour le facteur qui finalement dépose tout le cour­rier au même endroit en nous confiant la distribu­tion respective ! Curieusement, nos garçons ayant des dizaines d'heures d'avion où ils sont à l'aise, n'ont jamais pris le train. Il est convenu que j'irai avec eux rendre visite à tante MARTHE habitant ERQUELINNES. Ils sont émerveillés de tout ce qu'ils découvrent.

 Arrivés entre SOLRE-SUR-SAMBRE et ERQUELINNES, nos deux garçons, pendus à la fenêtre du compartiment, s'écrient ensemble : " Papa, des lions ". Les voyageurs du wagon ne font qu'un bond pour se précipiter aux fenêtres ; il s'agissait de chevaux dans une prai­rie ! Se rendre dans un grand magasin avec nos loupiots qui ne connaissent pas les grandes sur­faces, n'est pas de tout repos. La Saint Nicolas se prépare, il faut bien connaître un peu leur désir sur les jouets à offrir. Mon épouse, courageuse­ment, décide d'aller avec eux rendre visite au Grand Saint. Après la stupéfaction devant le trône du Saint, c'est la débandade parmi les rayons de jouets. Une vendeuse perspicace vint au secours de mon épouse, demandant aux garçons de choi­sir un jouet qu'ils aiment parmi les étalages. Ils reviennent avec une brassée. Très gentiment, la vendeuse répète en montrant du doigt UN jouet. Ils font la sélection, parfois hésitante, et conserve un jouet. La vendeuse leur indique un endroit où ils pourront jouer avec ce qu'ils ont choisi et, s'adressant à mon épouse, lui dit qu'elle peut dé­sormais effectuer ses achats en toute quiétude. Il doit y avoir une bonne formation psychologique chez les vendeuses !

Les " rentrants de congé " nous avaient avertis du changement de notre mentalité. Nous avions convenu avec mon épouse d'être attentifs à cet aspect et de reconnaître que nous avions changé et non pas nos proches restés dans leur milieu. Pour nous, cela était évident, mais pour nos enfants, c'était différent. Ils ne connaissaient pas l'argent car, au Congo, tout se traitait par " BON POUR ". Les commandes diverses se font par l'in­termédiaire de MUKANDES (billets à ordre). Les commerçants (NOTRICA, ALADEF, LITRAS, MANHOUT) exécutent nos commandes une fois par semaine lors du passage de leur camion de distribution et cela dans la plus grande confiance. Déjà, le contact de nos enfants en Belgique avec les " LIBRES SERVICES " reflétait pour eux, l'abondance ! Il faut souligner aussi que nous ef­fectuions des achats assez conséquents du fait que nous repartions pour trois ans et que nous n'avions pas là-bas, un choix comparable à l'Eu­rope. Cela aussi faisait sourciller notre entourage sur la facilité de nos dépenses et en sous-enten­dus, l'opulence de nos moyens !

 Quelle aberra­tion quand on sait que le chocolat qu'on nous expédiait de Belgique pour nos enfants, nous arri­vait tout blanchi et sans goût, que la farine desti­née à fabriquer un peu de pâtisseries était CHARANCONNEE, que de trouver simplement des pommes de terre autres que les patates douces , les légumes proposés par les indigènes, fertilisés à l'engrais humain, devaient être traités au " PER­MANGANATE DE POTASSE " et non au " PERMANPATATE DE GODASSE " comme cer­tains Européens l'avaient appris à leur cuisinier indigène.

Nous vivions au début de KAMINA-BASE, un peu comme des " BROUSSARDS ". Tous ne s'y adaptaient pas ! Le climat, quoique agréable, était quand même débilitant. Nous avons eu peu d'accès de paludisme dans notre famille. Lors d'un contrôle de gendarmerie alors que je suis en te­nue militaire, il m'est demandé mon titre de per­mission. J'exhibe mon titre de congé, le gendarme examine attentivement le document : 211 jours de congé ! Pantois, il appelle son supérieur et lui montre le titre d'un air écœuré accompagné d'un " ce n'est pas malheureux de voir ça ! ".

La fin de notre congé approche, nous ap­préhendons le départ car nos enfants ont trouvé chez oncle ROGER, tante ANNE-MARIE, et sur­tout BONNE MAMAN, une seconde famille avec laquelle ils ont tissé une affection profonde. Tante ANNE-MARIE, dont la santé a limité les naissan­ces à un fils unique, GABRIEL, s'est attachée à notre petite GENEVIEVE. Elles sont devenues in­séparables ! Des réflexions sont émises. " Pour­quoi repartir pour trois ans alors que vous êtes si

 

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