blonde aux yeux bleus.
L'appartement, très petit, comprenant deux alcôves. A notre arrivée, trois
jeunes gens déguerpirent, nous laissant la place. J'étais inquiet, le mari
était de garde. Nous occupions une alcôve, l'autre étant occupée par la
Norvégienne et sa belle-sœur, copine du Belge. Comme il se doit, le Belge se
retrouva rapidement dans le lit entre les deux femmes. Ce dernier m'invita, vu
l'exiguïté du lit, à accueillir la Norvégienne dans mon lit... ce qu'elle
refusa. Me voilà du coup investi d'un rôle de sentinelle, craignant le retour
du policier ou des jeunes Allemands. Je dormis peu, mon revolver que j'avais
glissé sous mon oreiller, me descendant régulièrement entre les épaules. Les
ébats dans l'autre alcôve durèrent toute la nuit. Le lendemain matin, les draps
de lit, maculés de sang, témoignèrent que la jeune Allemande avait perdu sa
virginité cette nuit. La Norvégienne, stoïque, a dû dormir en équilibre sur le
bord du lit, menaçant de se retrouver sur le plancher par les mouvements impétueux
des amants. Le Belge était réellement amoureux de l'Allemande et voulait la
marier ! ! Je n'ai pas connu la suite...
Nous sommes actuellement en
septembre 1946 et les préparatifs du retour en Belgique vont bon train. Nous allons
enfin réintégrer l'aviation militaire belge. Mais nos deux escadrilles du
SPITFIRE, la 350e et la 349e resteront momentanément sous l'intendance de la
RAF. C'est ainsi qu'en octobre 1946, nous occuperons la plaine d'aviation de
BEAUVECHAIN, bombardée régulièrement par les Alliés, criblée de cratères de
bombes. Chaque jour, plusieurs camions d'inciviques venant de la prison de
LOUVAIN, viendront réparer les dégâts des bombardements. Il nous est interdit
de leur parler ; les gardiens de la prison qui les escortent sont vigilants.
Nous remarquerons néanmoins que certains de ces prisonniers, des intellectuels
sans doute, manient gauchement la pelle et la pioche. Notre retour d'Allemagne
se fera en train et sera assez pénible pour moi. Atteint de furonculose, un
volumineux anthrax orne l'index de ma main droite. Je suis fiévreux. Je fais la
connaissance des SULFAMIDES. A la frontière, ma moto sera déchargée du wagon du
garde convoi et sera saisie par la douane. Je ne possède pas de licence
d'importation, document requis pour l'entrée en Belgique. Nous débarquons à
LOUVAIN où des camions nous attendent. Nous arrivons enfin à BEAUVECHAIN où un
triste spectacle nous attend. La construction des logements où nous serons
hébergés n'est pas terminée ; cela signifie pas d'eau, pas de chauffage, une
cuisine de campagne abritée sous une toile de tente car il pleut sans arrêt,
servira en attente de la cuisine définitive. Nous ne quittons pas nos bottes en
caoutchouc, partout c'est le bourbier. Seuls, deux bâtiments sont terminés et
chauffés : l'infirmerie et les cachots sont plus confortables que nos dortoirs,
d'où ruées chaque soir pour passer une nuit au cachot ! ! Après avoir déposé
mon barda, je serai transporté à l'hôpital militaire, avenue de la Couronne à BRUXELLES
où je découvrirai les bienfaits de la pénicilline. Les chefs de salle sont des
religieuses austères qui me font l'impression, vu leur grande influence dans
l'établissement, qu'il vaut mieux respecter le règlement intérieur. C'est donc
en bottes crottées, pull à col roulé, sale, non rasé, que je suis désigné comme
" ENTRANT " dans la salle réputée des fortes têtes. La religieuse,
chef de salle, connaît son affaire et l'accueil y est des plus réglementaires,
et pour parfaire mon entrée, ne connaissant pas les grades belges, je donne du
SIR à tout ce qui me semble un peu gradé et suis tout à fait identifié comme
individu à éduquer ! ! Je suis soulagé de pouvoir me laver, me raser et revêtir
le pyjama réglementaire de l'institut et dans les temps requis, me trouver au
pied du lit qui m'a été désigné. Mon moral n'y est plus, je sais que les
copains ont tous reçu un congé de deux semaines vu les conditions d'hébergement
du camp d'où l'on est obligé de sortir en bottes. Des consignes ont été données
aux M.P. des gares de nous laisser passer dans ces tenues fort peu militaires
en signalant simplement BEAUVECHAIN. Les
visites des médecins militaires sont très dubitatives et toutes les trois
heures, je reçois ma dose d'unité de pénicilline.
Après trois semaines d'hospitalisation,
je rejoins ma base à BEAUVECHAIN où je retrouve ma chambre ; un poêle fabriqué
par un mécanicien brûle de l'huile de vidange car il n'y a pas encore de
chauffage d'installé ; les lits sont doubles à étage. Je découvre ma couchette
du bas dans un coin identifié par mon KIT BAG (genre de sac de marin contenant
mes effets). L'occupant du dessus a un chien (berger allemand) qui occupe